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Photo du rédacteurMarjorie Hebrard

"Un manque de sensibilité?"

Dernière mise à jour : 18 juin 2020



Extrait lu par Fabrice Luchini - festival d'Avignon - 2016


Quand j'accompagne des personnes travaillant dans les entreprises, je vais souvent entendre : « Oui, mais, ici, dans l’entreprise, on ne doit pas montrer son émotion ». Ce qui n’est pas faux, comme dirait l’autre. Nous sommes pourtant pétris d’émotion et il est très souvent difficile et vain ou même bien hypocrite de chercher à la cacher.

Ma proposition est de pouvoir différencier l’émotion de l’émotivité ; il y a une différence entre l'émotion et le débordement d'émotion. Je fais le parallèle ici avec ce que nous dit Diderot.


Pour Diderot, l’acteur.trice sublime joue d’après réflexion, en déterminant le juste point de vue où la chose se fait voir. Surcharger le personnage de sa propre émotion ou de son interprétation psychologique de l’émotion à jouer - vouloir être émouvant.e ou drôle en quelque sorte - réduit et affaiblit l’interprétation et très souvent ennuie ou embarrasse un public. Un jeu bien maîtrisé - qui peut donc être considéré comme peu sensible parce que contrôlé - peut faire rire aux éclats et faire pleurer : toucher précisément la sensibilité de l’auditoire.

Un Louis de Funès ne cherche pas à faire rire. Par contre il a identifié son style, le maîtrise parfaitement, travaille pour être capable de le reproduire à l’envie et en joue complétement. Et cela fait rire singulièrement.


C’est pareil pour les communicant.e.s à l'oral : vouloir produire un effet (jouer l'émotion) et/ou donner trop de place à son affect privé (déborder d'émotion) au mieux ennuie, au pire gêne un auditoire ; là où maitriser son effet (nommer l'émotion et l'expliquer) fait état d’un travail, d'un recul et d’une écoute fine de soi et de l’auditoire qui touche et émeut. Il ne s’agit pas tant d’être sous contrôle qu'intense et précis.e.

« Ce n’est pas l’homme violent, hors de lui même, qui dispose de nous ; c’est un avantage réservé à l’homme qui se possède ».


L’invitation est donc d’être le premier spectateur, le premier observateur de soi même et travailler pour déterminer le juste point de vue où votre pensée et votre émotion se fait voir et comprendre ; identifier et mettre en valeur ainsi votre style, que vous n’avez pas idée.


Marjorie Hébrard.


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